CHRONIQUE / ANARCHISME ET ANTHROPOLOGIE, POUR UNE POLITIQUE MATÉRIALISTE DE LA LIMITE

PAR BALLAST, SEPTEMBRE 2019

LIVRE / ALBERTO GIOVANNI BIUSO – ANARCHISME ET ANTHROPOLOGIE, POUR UNE POLITIQUE MATÉRIALISTE DE LA LIMITE

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Alors qu’un tournant libertaire est depuis quelques années observé au sein de l’ensemble des sciences sociales, l’anthropologie a depuis longtemps fait l’objet d’une telle attention. Le philosophe italien Alberto Giovanni Biuso s’inscrit dans la lignée de Marshall Sahlins, Pierre Clastres ou, plus récemment David Graeber, pour interroger à nouveau frais les apports théoriques de ces derniers dans leur approche de communautés en marge du système économique capitaliste et mondialisé. Il argumente à leur suite en faveur d’une « éthique matérialiste », redonnant une place aux processus biologiques qui fondent toute vie humaine de même qu’animale. Le corps occupe une place centrale dans ce raisonnement. Ce dernier, « toujours en action et dans l’expérience », est pour l’auteur « le fait inéluctable qui relie l’être humain à n’importe quelle autre entité dotée de vie et formée de matière ». Les apports respectifs de l’écologie évolutive et de l’éthologie redonnent à la notion de limite un potentiel critique — non pas au service de la réaction mais de l’émancipation. C’est en reconnaissant les seuils corporels et biologiques partagés par tous que l’on peut agir dans le respect de chacun. « Une anthropologie libertaire devrait représenter une sorte d’herméneutique de la finitude, contribuant à la conscience des limites de l’espèce, un antidote au principe selon lequel on peut faire ce que l’on veut de l’humain. » La pédagogie du Rousseau de L’Émile se voit critiquée pour sa naïveté et pour sa confiance aveugle dans la puissance absolue de l’esprit humain. Si elle est pessimiste en apparence, notamment dans la reconnaissance de l’inéluctabilité de la guerre pour la liberté et la défense de celle-ci, c’est dans ce pessimisme même que l’anthropologie d’Alberto Giovanni Biuso trouve sa force. Aussi trivial que cela puisse paraître, c’est de la matière que naît toute vie. Prendre en compte ce postulat revient à reconnaître les besoins de tous, et d’entrevoir les moyens d’y subvenir en évitant de recourir à un pouvoir souvent oppressif, pour y préférer une horizontalité émancipatrice.

NOTES

Lien vers la chronique : revue-ballast