Edoardo Sanguineti (1930-2010), fondateur du Gruppo 63 avec Umberto Eco et Nani Balestrini, dépoussière la notion de « lutte des classes », trop souvent renvoyée dans les oubliettes du passé malgré sa violente actualité, au nom d’un sempiternel culte de la nouveauté. Il croit possible aujourd’hui d’adhérer au matérialisme historique et propose « un petit guide pour inciter à bricoler une position à assumer, au niveau de la pensée mais aussi de la pratique concrète, dans la vie quotidienne ».
À l’aide de Gramsci, Marx et Engels, Adormo, Lukacs, auteur de Histoire et conscience de classe en 1920, puis d’une nouvelle préface auto-critique à l’édition de 1967, il redéfinit le concept, s’appuyant également sur son histoire personnelle. Selon lui, le matérialisme historique « constitue l’abolition de tout principe de foi, de repos sur une vérité acquise », il ne relève que « de l’ordre de la critique, de la contestation et de l’analyse correcte des faits ». En tant qu’intellectuel, il considère remplir son rôle en contribuant à faire prendre conscience ou à consolider la conscience de classe. « Et si la tâche est particulièrement difficile, c’est parce que le prolétariat sort d’un échec planétaire, il a totalement perdu la conscience de soi, et nous nous trouvons, dans le meilleur des cas, face à quelques résidus d’ordre social-démocrate. »
REVUE / LA CONSCIENCE DE CLASSE
PAR BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451, AOÛT 2018
LIVRE / EDOARDO SANGUINETI – LA CONSCIENCE DE CLASSE. COMMENT ADHÈRE-T-ON AU MATÉRIALISME HISTORIQUE ?
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Citant Benjamin, il explique comment la social-démocratie a détruit la conscience de classe, l’envie de combattre de la classe ouvrière et comment le « prolétariat s’est fourvoyé lorsqu’il s’est proposé de penser au bonheur des génération à venir » au lieu « de venger les souffrances de nos pères » : « Il n’existe pas de conscience de classe s’il n’existe pas de haine de classe. » « La bourgeoisie hait le prolétariat, car non contente de simplement l’exploiter, elle nourrit une haine radicale ainsi qu’une conscience totale de son propre statut. Il est déplorable que quatre-vingt-dix-huit pour cent, si on veut faire preuve d’optimisme, des gens qui habitent cette planète n’aient pas de conscience de classe, et soient en réalité des prolétaires, ou des sous-prolétaires, ce qui est encore plus terrible et dangereux. » Il met en garde contre la confusion idéologique et insiste sur l’unique dichotomie qui se présente, celle entre exploiteurs et exploités. Il conseille « d’être effrontés et chargés de haine », « d’être irrespectueux afin de rendre évident le fait que les rapports sont « inhumains » », tout en demeurant « solidaires dans la souffrance ».
Un important dossier présente, par ordre alphabétique, les multiples facettes de cet auteur. Sa brève mise au point est intéressante notamment par les nombreuses références qu’elle brasse.